COLLOQUE 2025
Rumeurs, fantasmes et vérités dans la clinique des groupes
14 et 15 Mars 2025 à Paris
ARGUMENT
L’actualité contemporaine, telle qu’elle nous est transmise par les médias, abonde d’informations sur lesquelles planent très vite doutes, interrogations ou contestations, quant à la véracité des propos et des faits partagés. Fausses nouvelles ou « fake news », rumeurs et désinformations constituent aujourd’hui un phénomène de masse qui touche autant le champ de l’Histoire et la construction de ses récits, que des modalités actuelles de sociabilité, de lien, de groupement.
Certaines théories complotistes ou la remise en cause de réalités scientifiques, comme celle d’une Terre sphérique ou celle du changement climatique, pourraient prêter à plaisanterie si elles n’avaient pas pris une place aussi importante dans l’état du monde. Les démocraties connaissent ainsi des fragilités à l’endroit même où des débats ou des discussions nécessaires à leur bonne santé se trouvent pollués, voire pervertis par la désinformation, la rumeur, la propagande. Si les alliances entre le mensonge et la politique sont connues depuis de nombreuses années (H. Arendt), si la rumeur s’étaye sur des fantasmes puissants, l’avènement et le développement des réseaux sociaux ont mis en avant la faiblesse des contrôles institués sur des pouvoirs d’influence considérables. S’y infiltrent des forces les plus destructrices, parfois silencieusement, parfois sous couvert d’idéologies prometteuses, de protection du « bien » et/ou de contre-vérités à peine dissimulées. Ces pouvoirs font malheureusement aujourd’hui autorité pour certaines personnes et pour certains groupes.
Dans la clinique psychanalytique, la distinction et les articulations entre le fantasme et la réalité ont longtemps structuré le débat sur le développement normal et pathologique. Le pouvoir protecteur du mensonge et des illusions ou la falsification du sens dans la construction du symptôme névrotique côtoient, dans la clinique, des déformations et des retournements bien plus graves et délétères, lorsque la perversion, l’incestualité ou le délire infiltrent, voire organisent la vie psychique. Force est de constater que ces aléas défensifs ou pathologiques du rapport à la vérité sont aussi intersubjectifs. Les mensonges « n’engagent que ceux qui les croient », dit-on, les illusions mobilisent des aires partagées, les rumeurs servent ceux et celles qui les propagent, alors que les vérités sont toujours plurielles et surtout 1 fragiles. Ne serait-ce pas cette fragilité propre à la vie psychique qui pousse nos sociétés à mettre l’accent sur le rapport objectif, quand il n’est pas objectivant ou scientiste, aux « faits réels » ? La foi et la croyance dans la vérité d’une parole ou dans les « forces de l’esprit » supportent-elles encore une évaluation objective de la réalité, de plus en plus réduite à celle des sciences dites « dures » ?
La clinique des groupes, des familles et des institutions est concernée par ces questions à plusieurs titres. Elle interroge les formations psychiques, alliances et pactes de ceux et celles qui y participent, autant qu’elle concerne des organisateurs psychiques de groupe très influents sur ceux et celles qui n’y adhèrent pas. Dans leurs versants pathologiques, on reconnaîtra différentes formes d’emprise (sectaire, idéologique, gestionnaire…), des dimensions mafieuses propres aux familles et organisations incestueuses, des bandes ou groupes délinquants. Les propagandes et contre-vérités que ces formes véhiculent, qu’elles soient familiales, groupales ou politiques, mobilisent dans la clinique institutionnelle contemporaine des attaques du sens puissantes. Les contre-stratégies défensives pour s’en préserver (isolement, retrait, désinvestissement, idéologie de la transparence…) ne sont-elles pas pires que le mal ? Quels processus groupaux, quelles alliances peuvent nous en protéger ? Comment travailler ces questions dans les groupes thérapeutiques d’enfants et d’adolescents, les thérapies familiales et de couple, la clinique du travail et la vie institutionnelle dans les équipes ?
Ce sera ainsi l’occasion de mettre en lumière les dimensions protectrices et/ou délétères du mensonge dans les groupes et la place qu’il prend dans les alliances inconscientes et dans la transmission tant sur le plan familial qu’institutionnel. Rumeurs, fantasmes et vérités méritent d’être interrogés si nous souhaitons que la « vérité » émotionnelle du lien, celui de connaissance selon W.R. Bion, soit facteur de croissance et de fécondité psychique dans les liens, les groupes et les institutions.